Des retrouvailles poign(ard)antes [pv Rodney <3]

Installée dans le grand fauteuil de son bureau, le Docteur Keller tombait de sommeil. Depuis combien de temps n'avait-elle pas dormi ? Même elle ne s'en souvenait plus. La journée avait été des plus éprouvantes mais elle était à une année-lumière de se douter que les épreuves quotidiennes n'étaient pas encore terminées et, qu'en fait, la plus grande allait se présenter sous peu.

Jennifer referma le dossier médical du Sergent-Chef Anderson et le remit soigneusement à sa place dans les tiroirs rangés par ordre alphabétique. Il n'y avait rien de grave avec ce militaire. Elle voulait simplement vérifié que tout était en ordre. Avant le sien, elle avait consulté des dizaines d'autres dossiers, sans but précis, juste pour être certaine de ne rien laisser passer, juste pour être sûre qu'ils étaient tous en bonne santé. Au fond d'elle-même, elle savait bien qu'elle en faisait trop, mais c'était plus fort qu'elle. Son sens des responsabilités exacerbé n'avait pas faibli avec les années d'expérience, au contraire.

La jeune femme jeta un coup d'oeil à la petite pendule alphanumérique accrochée sur le mur. Presque 23h ? Et dire qu'elle ne s'en était même pas rendu compte. Il était temps de partir...
Elle se leva, couvrit ses frêles épaules de son petit blouson en cuir brun et attrapa son sac à main. En refermant la porte de son bureau, elle entendit son ventre gargouiller. Zut ! Est-ce qu'elle avait déjeuner à midi ? Non. Elle n'avait pas voulu le faire seule. Ah si ! Une pomme... Est-ce que ça comptait ? Pour palier la faim qui commençait à la dévorer, elle décida de faire un crochet par le réfectoire. Il arrivait que quelques collations soient encore disponibles à cette heure tardive.

Clap clap clap... Ses pas dans les couloirs déserts. Pourquoi la base s'évertuait-elle à lui rappeler avec sadisme qu'elle était seule, que tous ceux qu'elle aimait étaient restés sur Atlantis ? C'était tellement triste... Elle se souvenait encore très clairement du jour de son départ. Des sourires crispés. Des larmes refoulées. Des embrassades hésitantes. Comme ils lui manquaient tous... Tous, mais surtout Lui.
"Stupide Jennifer !" se morigéna-t-elle. Il ne fallait pas qu'elle repense à ce jour. Aucune nouvelle de Lui depuis qu'elle avait effectué son retour sur Terre. Pourtant, Il aurait pu. La semaine dernière, le Dédale était à mi-chemin entre la Terre et Atlantis. Elle était parvenue à avoir une conversation vidéo avec son amie Christelle. Alors Il aurait pu... Mais non.
Ne plus y penser. Ne plus y penser. Ne plus y pen...


La jeune femme retint son souffle, pétrifiée. Elle se trouvait à présent à l'entrée du réfectoire. Il était presque vide. Presque, parce qu'un homme se tenait assis dos à elle.
Son cœur battait la chamade et elle sentit le rouge lui monter aux joues en même temps que les larmes aux yeux. Non, par toutes les comètes de l'Univers, ça ne pouvait pas être Lui...
Comme hypnotisée, Jennifer s'avança silencieusement vers l'inconnu. Plus elle se rapprochait, plus son coeur se serrait, lui envoyant des spasmes de douces douleurs. "Tu te trompes", se répétait-elle. Oui. Elle se trompait forcément. En huit mois de séparation, elle avait cru Le voir tellement de fois déjà pour chaque fois essuyer une déception.
"Tant pis", se dit-elle avec déraison, "ça en fera une de plus."
Arrivée à bonne distance, elle tendit une main tremblante vers lui qu'elle parvint à poser sur son épaule et d'une voix brûlante d'espoir elle souffla :

_ Rodney ?

"Cette fois-ci, c'est bien Lui." Voilà la seule chose à laquelle le pourtant gros cerveau du Docteur Keller arrivait à penser pour le moment. C'était Rodney. Il se tenait là, devant elle, au beau milieu du réfectoire désert, comme dans un rêve. D'ailleurs, cette scène avait un on-ne-sait-quoi de déjà vu...

Comment ça "Tu as l'air en forme" ?! En forme de quoi ? A quoi est-ce qu'il s'attendait au juste ? Est-ce qu'elle aurait du tomber dans un gouffre de dépression, n'être plus bonne à rien et laisser en plan tous ceux qui avaient besoin de son Savoir sur la base ?

Pendant que le physicien se livrait à un monologue timide et désordonné, Jennifer le fixait en silence, partagée entre deux réactions à adopter. En premier lieu, elle aurait voulu lui sauter au cou pour le forcer à la serrer dans ses bras. Cependant, cette envie lui était très vite passée et à présent elle ne voyait qu'une seule manière de réagir face à sa bonhommie innocente : lui balancer une bonne grosse gifle ! Il ne l'aurait pas volé. La laisser sans nouvelle de lui pendant 8 longs mois pour tout à coup apparaître sous son nez... C'était des façons ça de traiter une femme que l'on aim... Oh... La voilà l'explication.
Cette méprise qu'elle crut vérité la frappa de plein fouet et l'envie de le gifler disparut aussitôt avec le sourire poli qu'elle avait jugé bon d'afficher pour se donner une constance satisfaisante. En fait, elle était perturbée qu'elle ne réagit même pas à la nouvelle concernant le Major Langford, et pourtant elle était médecin.

_ Je... Je vais bien, bégaya-t-elle. Je m'occupe des équipes ici. Elles sont nettement moins actives en dehors des missions que celles d'Atlantis. Pas d'entraînements nocturnes qui tournent mal. Enfin... Ce n'est pas pour ça que j'ai plus de sommeil... J'ai eu beaucoup de travail la semaine passée. SG-2 est revenue avec pas mal de dégâts. Le Major Grant et ses hommes ont été blessé. Maintenant, ça va. Et comment vont le Lieutenant-Colonel Sheppard, Ronon, Teyla et les autres ?

La jeune femme s'inquiétait toujours beaucoup pour le satedan. Il avait un don particulier pour trouver les ennuis et les blessures qui allaient avec.
Elle attendit encore quelques minutes pour connaître sa réponse puis, n'y tenant plus, elle fit un pas en avant en posant sa main fine et froide sur le bras du scientifique catastrophiste avant de demander d'un air grave :

_ Rodney, que fais-tu ici ?

Si seulement il pouvait répondre qu'il était venue la chercher... Vain espoir.